Qui de mieux que des enseignants de technologie en collège pour parler de leur discipline ? C'est ce que le Sgen-CFDT a souhaité faire à l'heure où le Ministère veut supprimer une heure de technologie pour les élèves de sixième à la rentrée prochaine.
L’annonce de la suppression de l’heure de technologie en sixième a provoqué incompréhension et colère chez les professeur·e·s qui enseignent cette discipline et plus globalement pour l’ensemble des équipes pédagogiques des collèges. Le Sgen-CFDT est donc allé à la rencontre de deux professeurs de technologie pour qu’ils racontent leur travail. Propos recueillis par Dominique Bruneau.
Une annonce qui ne passe pas
« Apprendre par la presse que l’on va supprimer une heure de sa discipline au sein du collège, c’est un peu limite. On aurait préféré avoir une concertation en amont pour au moins se préparer moralement », déplore l’un des deux collègues. Le Sgen-CFDT ne peut que constater que, sur le terrain, la communication ministérielle ne passe pas, preuve d’un dialogue social d’apparence et d’une communication en direction du grand public. Pas d’étonnement dès lors que les enseignant·e·s de ladite discipline se sentent dévalorisé·e·s, voire oublié·e·s.
Pour ces deux enseignants, cette mesure aura des conséquences importantes sur la place de la discipline dans la construction du parcours de l’élève. Il s’agit, pour beaucoup d’élèves qui entrent au collège, d’une nouvelle discipline pour laquelle ils et elles vont devoir installer des bases, une méthode qui servira par la suite. Si en primaire les élèves abordent certaines notions, la manipulation réelle arrive en sixième. Pour notre autre collègue, « on ne rattrapera pas ensuite ce qui n’a pas été fait au cours de cette première année au collège. On ne pourra non plus faire en trois années ce qui aujourd’hui se fait sur quatre ». « Cela aura des conséquences à la sortie du collège, notamment pour celles et ceux qui iront au lycée en STI ou SSI ».
Mais en fait, que font les élèves en technologie au collège ?
« La technologie est l’une des seules matières où l’on va manipuler des objets pour en comprendre le fonctionnement. Travailler sur une trottinette électrique pour en comprendre la complexité, émettre des hypothèses, vérifier les possibles et au bout du compte aboutir à des affirmations : cela demande de travailler autrement qu’en cours magistral ».
« Ce qui surprend quand on entre dans un cours de technologie, c’est qu’il y a du bruit, car les élèves parlent, se trompent, échangent et expérimentent en manipulant ». Pour beaucoup d’élèves, cela permet de donner du sens à ce qu’ils et elles apprennent, à concrétiser ce qu’ils et elles ont pu aborder dans d’autres disciplines : maths, français, histoire-géographie.
Une discipline transversale source de réussites pour certain·e·s élèves
Parce qu’au-delà des attendus de connaissances et des compétences du programme, les enseignant·e·s de technologie font travailler les élèves sur les autres disciplines. Ainsi, pour cet enseignant, « lorsque je demande à des élèves de programmer un robot pour qu’il trace un carré, ils·elles peuvent se rendre compte ce qu’est réellement un angle droit ». De même, comme rajoute son collègue, « lorsque mes élèves doivent écrire des hypothèses, ils·elles font appel à leurs connaissances en français pour rédiger le plus correctement possible. Cela nous pousse à travailler au-delà de notre propre discipline et à concevoir des objectifs avec des enseignant·e·s d’autres disciplines. Mais ce qui nous motive tous les deux, c’est le fait de pouvoir permettre à des élèves qui sont en échec en français ou en maths d’être en réussite au sein de leur discipline, du fait justement de cette concrétisation et d’une place de l’oral plus importante ». L’exemple type est cet élève qui était en grande difficulté sur le passage à l’écrit, mais qui, au sein de la classe de sixième, était le seul à avoir compris le fonctionnement d’une batterie.
Un fonctionnement en mode projet
Autre élément qui caractérise l’enseignement de cette discipline, la capacité des enseignant·e·s à travailler en mode projet en lien avec d’autres enseignant·e·s. « Les rencontres devant la machine à café en salle des professeur·e·s sont sources de projets multidisciplinaires. Le dernier en date, le travail avec l’enseignant de SVT sur le jardin et la croissance des plantes. En discutant, a germé l’idée de créer en technologie une automatisation de l’arrosage de ce jardin. Entre plan, conception, hypothèses, programmation et réalisation technique, c’est un travail qui a passionné les élèves et que de compétences des programmes acquises au passage ! »
Inévitablement, cela demande du temps de concertation, souvent bénévole, mais la réussite des élèves les motivent pleinement parce que l’approche de la discipline est ludique. La technologie a un rôle singulier au sein du collège : mettre en place un enseignement basé sur de la recherche action en utilisant des méthodes de travail où la réflexion collective a une place centrale.
Une réponse totalement inadaptée aux problématiques de recrutement
Avec la suppression du concours de recrutement de professeur·e·s de technologie en 2013, on assiste aujourd’hui à un vieillissement de cette population enseignante. Même si les établissements engagent de nombreux·ses enseignant·e·s contractuel·le·s, cela ne compense pas les besoins et surtout, comme le disent les deux enseignants interrogés, cela ne permet pas de construire des projets au sein d’un établissement dans la durée. Dès, lors, si la mesure ministérielle vise à compenser ce manque, ce n’est sans doute pas la bonne réponse attendue. Quant à savoir si cette heure en sixième transformée en heure de soutien en maths et en français sera utile aux élèves, l’avis est très clair : « toutes les études montrent que ce n’est pas en consacrant plus de temps aux maths et au français que les élèves apprendront mieux. C’est plutôt en diversifiant les approches et là, la technologie a un intérêt majeur, car on y travaille différemment ».
Il est clair en tout état de cause que cette suppression à laquelle le Sgen-CFDT est très opposé entraînera inévitablement une surcharge de travail pour les enseignant·e·s.