Reconnaissance de la mission d’enseignement : les propositions du ministère ESRI

Dans le cadre de la concertation sur la reconnaissance de la mission d’enseignement des personnels, le ministère a élaboré de nouvelles propositions : la création d'un congé pour projet pédagogique et d'une prime de reconnaissance de l'investissement pédagogique. Plusieurs points restent en suspens.

A la suite des réunions de concertation sur la reconnaissance de la mission d’enseignement des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se sont déroulées les 23, 26, 27 et 29 novembre 2018, le ministère a élaboré de nouvelles propositions tenant compte des contributions des différentes organisations qui ont participé à ces réunions.

Ces propositions portent à la fois sur l’attribution d’un congé spécifique pour la mission d’enseignement, la création d’une prime de reconnaissance de l’investissement pédagogique et la mise en place d’une plateforme unique « garantissant » une transparence et un suivi des attributions de ces primes et congés.

Ces dispositifs ont vocation à s’appliquer aux personnels enseignants-chercheurs, enseignants et BIATSS, titulaires et contractuels, dans les conditions prévues par leurs statuts respectifs.

Un bilan de la mise en œuvre de ces mesures sera inséré dans le bilan social du ministère et présenté aux représentants des personnels dans le cadre du Comité technique ministériel du MESRI.

Création d’un congé pour projet pédagogique

reconnaissance de la mission d'enseignement dans l'Enseignement supérieur et la recherche Il est proposé de mettre en place  un congé pour projet pédagogique (CPP). Au sein des Congés pour Recherche ou Conversation Thématique (CRCT), il y aurait donc des congés pour projet de recherche et des congés pour projet pédagogique. Le nombre total de CRCT actuellement attribués  sera doublé, en réservant une part de ces congés à des projets liés à la mission d’enseignement et de formation. L’objectif serait d’atteindre un égal volume de congés pour les missions de recherche et d’enseignement. Chaque part pourra être fixée par arrêté.

Le ministère propose que ces congés pour projet pédagogique soient attribués par les établissements. Les enseignants-chercheurs pourraient candidater aux deux types de congé.

Le volume actuel de CRCT (établissements et CNU) est de 910 semestres pour l’année universitaire 2017-2018.

L’objectif pour doubler le volume global serait :

  • de passer les CRCT de 910 à 1000 semestres ;
  • d’initialiser les CPP à 850 semestres ;
  • de créer une enveloppe retour de congés maternité/parental/adoption à 150 semestres.

Soit au total 2000 congés de 6 mois.

La mise en place de ce congé nécessitant la modification des statuts de chaque catégorie de personnels concernés, le ministère propose, à titre transitoire et afin d’aller vite, de prendre un arrêté sur la base des dispositions de l’article 1-2°b) du décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’État.

Par ailleurs, concernant les congés attribués après retour de congé de maternité, d’adoption ou parental, il est proposé que les établissements l’accordent dès lors que la candidate ou le candidat dépose un projet de recherche, d’enseignement ou mixte (enseignement et recherche).

Création d’une prime de reconnaissance de l’investissement pédagogique

Il est proposé d’élargir le périmètre de la « prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) » en la transformant en « prime d’enseignement, d’encadrement doctoral et de recherche (PEEDR) » qui comprendrait des primes pour projet de recherche et des primes pour projet d’enseignement avec une possibilité pour les établissements d’en faire bénéficier par des dispositifs adéquats, les autres catégories de personnels enseignants affectés dans le supérieur et les BIATSS.

Cette prime spécifique permettrait de reconnaitre un investissement déjà accompli dans l’activité de formation (donc de présenter, comme pour la prime d’encadrement doctoral et de recherche, un dossier et non un projet).

Les montants annuels plancher et plafond et le nombre de bénéficiaires seraient identiques à ceux de la PEDR actuelle, soit respectivement 3500€ et 15000€. Les enseignants-chercheurs pourraient candidater simultanément aux deux primes.

Actuellement, environ 3000 PEDR sont attribuées chaque année pour un montant moyen de 4900€. Il est envisagé de porter ce nombre à 6000 bénéficiaires. 

Deux autres questions restent à  traiter : comment garantir que les parts respectives des primes « recherche » et des primes « pédagogie » soient équivalentes ? Comment garantir la qualité de l’évaluation de l’engagement pédagogique ?

Sur ce dernier point, le ministère propose que l’attribution de la prime de reconnaissance de l’investissement pédagogique  relève des établissements sur la base de critères objectivables qui restent à préciser dans le cadre de la présente concertation.

Création d’une plateforme unique

Il est proposé de mettre à disposition des personnels concernés, sur une plateforme unique, l’ensemble des informations leur permettant de constituer un dossier de candidature aux congés d’une part, aux primes d’autre part.

Pour ce dossier, il pourrait être envisagé une partie standardisée, pour l’examen de toutes les candidatures, et une partie plus personnalisée, alimentée régulièrement par l’intéressé. Ces nouveaux outils permettront de faciliter la constitution des différents dossiers qu’il peut être amené à présenter (candidatures personnelles ou appels à projet).

Budget alloué à ces mesures

8 M€ sont prévus au budget 2019. La répartition des crédits entre établissements pourrait prendre en compte la structure des emplois de l’établissement, éventuellement pondérée par le poids des effectifs en licence, et par le nombre de bénéficiaires de  dispositifs et parcours « oui/si ».

La position du Sgen-CFDT

Le Sgen-CFDT n’a cessé de porter la nécessité de reconnaître l’ensemble des activités de formation, en précisant que celles-ci recouvraient bien plus que le seul enseignement. Ces annonces correspondent à certaines de nos revendications : doublement des CRCT, instauration d’une prime valorisante pour tous les personnels concernés (Biatss, PRAG/PRCE, mais aussi PREC).

Le Sgen-CFDT considère que ces propositions marquent un premier pas qui donne corps à la volonté plusieurs fois affirmée par la Ministre d’avancer sur la question de la reconnaissance de l’engagement des collègues dans la diversité de leurs missions. Mais on est encore très loin d’avoir épuisé le sujet !

 

Quel équilibre retenir entre l’échelon local et l’échelon national ?

Pour le Sgen-CFDT, il est souhaitable de ne pas opposer l’expertise locale et l’expertise nationale et donc de conserver le double niveau d’évaluation pour l’ensemble des dispositifs (primes, congés).

La constitution d’un dossier unique, sur une plateforme unique, alimenté par les enseignants-chercheurs eux-mêmes est une bonne chose qui peut permettre de tendre vers une forme de « suivi de carrière » réinventé, i.e. un outil qui permet aux collègues de faire un point à différentes étapes de leur carrière en vue de valoriser et de faire reconnaître la diversité de leurs missions. Cet outil serait multi-usage et éviterait la multiplication des dossiers (promotions, suivi de carrière, primes, congés…).

Cela permettrait, en outre, de répondre à l’une des propositions du Sgen-CFDT, à savoir de ne pas obligatoirement attendre qu’un enseignant-chercheur se soit porté candidat à l’un ou l’autre de ces dispositifs de reconnaissance pour lui en proposer le bénéfice sur la foi de son dossier régulièrement alimenté.

 

Quelle garantie que seront respectées les parts respectives des primes « recherche », des primes« enseignement » et comment prendre en compte des primes « mixtes » ?

Pour garantir une attribution de primes qui soit équitablement réparties entre « recherche » et « enseignement », il serait utile de s’orienter vers un cadrage qui arrête des contingents précis d’attribution en CNU et établissements et un minimum de 40% pour chacune des deux types de primes).

 

Quelle appréciation sur le recours, dans un premier temps, pour la mise en œuvre du congé, au droit reconnu à tout agent de la Fonction publique de pouvoir suivre des actions de formation permettant l’adaptation aux évolutions prévisibles des métiers (article 22 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et article 1,2°, b du décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007) ? Cette solution permettrait une mise en œuvre dès la rentrée 2019, et pourrait concerner l’ensemble des catégories de personnels concernées.

Pour le Sgen-CFDT, il paraît problématique de recourir à l’article 22 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et à l’article 1,2, b du décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 pour la mise en oeuvre du « CPP » et ce, pour plusieurs raisons :

  • le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est reconnu à tous les fonctionnaires. Il s’agit d’un droit « inaliénable » ou, à tout le moins, d’un droit inconditionnel. Il ne saurait dépendre d’une procédure de sélection ou de mise en concurrence ;
  • le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie et le CPP ne sont pas de même nature du point de vue des politiques RH auxquelles ils renvoient. Le premier relève exclusivement de la politique de formation alors que le second s’inscrit dans une logique de reconnaissance et de gestion de carrière ;
  • la différence de traitement entre le CPP et le CRCT induit, de fait, une différence de considération qui contrevient, finalement, à l’objectif de considération à égale dignité des missions relatives à l’enseignement et à la recherche.

En attendant la modification des décrets statutaires, il est tout à fait possible de mettre en œuvre le dispositif proposé en s’appuyant sur l’article 19 du décret n°84-431 du 6 juin 1984 au titre de la fraction des CRCT qui doit être attribuée en priorité aux EC qui ont effectué des tâches d’intérêt général ou développé des enseignements nouveaux. Une circulaire pourrait préciser que cette fraction est portée à 50% du volume global de CRCT et que l’ensemble des activités relatives à la formation, à l’accompagnement et à la réussite des étudiants doit être valorisé dans le traitement des dossiers.

 

Au-delà des questions de CRCT ou de prime, c’est bien la question des perspectives de carrière qui reste centrale. Le Sgen-CFDT continuera de porter cette revendication à la fois dans le cadre de cette concertation mais aussi dans les discussions relatives à la loi de programmation pour la recherche.