Éducation à la sexualité : un texte qui reste en deçà des attentes

Pour le Sgen-CFDT, la circulaire de 2003 devait être actualisée. Malgré certains oublis et certaines imperfections, sa mise à jour apporte des précisions appréciables et marque un soutien réaffirmé à l'éducation à la sexualité.

Pour le Sgen-CFDT, la circulaire de 2003, appréciée des personnels qui mettent en place l’éducation à la sexualité, nécessitait une mise à jour. Certaines données pouvaient être actualisées (l’Éducation Civique Juridique et Sociale – ECJS – étant par exemple devenue l’enseignement moral et civique – EMC) ou prises en compte (loi de Refondation de 2013, création des ESPE). Ce qui est sans doute le plus important, c’est que la préparation et la publication de cette circulaire ont été l’occasion pour le ministre de prendre clairement et publiquement position pour la légitimité de l’éducation à la sexualité à l’École. Alors que des réactionnaires de tous bords cherchent à créer de la défiance contre cette éducation, ce n’est pas un intérêt mineur.

Cependant, le texte définitif reste en deçà des attentes. Le Sgen-CFDT sera force de proposition pour que le vademecum qui s’annonce permette de corriger et préciser certains éléments.

Des précisions contre-productives et inutilement défensives

La circulaire de 2003 paraissait claire, une mise à jour nous semblait suffisante.

La réelle urgence était l’application de ce qui existe déjà, et non une nouvelle circulaire.

Dans la circulaire de 2003, de nombreux points essentiels permettent aux personnels de travailler dans un cadre sécurisant et clairement défini. Le HCEFH, Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, a d’ailleurs rappelé en juin 2016 que cette circulaire est finalement peu appliquée : la réelle urgence était donc l’application de ce qui existe déjà, et non une nouvelle circulaire.

Ainsi, dès l’introduction, certains ajouts limitent la portée de l’éducation à la sexualité, notamment pour l’école élémentaire : « Cette éducation vise à la connaissance, au respect de soi, de son corps et au respect d’autrui, sans dimension sexuelle stricto sensu à l’école élémentaire« .

Les études récentes montrent justement que les enfants même très jeunes peuvent être exposés à de la pornographie en ligne : un enfant qui demanderait « ce qu’est une sodomie » (parce qu’il a entendu le mot ou a vu de images qu’il n’aurait pas dû voir) doit pouvoir compter sur les adultes pour lui expliquer avec sérénité que ce mot concerne la vie des adultes. Une fin de non-recevoir est contre-productive et laisse les enfants seuls face à des contenus violents, alors que l’École doit contribuer à leur protection.

La possibilité du dialogue ne signifie pas l’ouverture à tous les thèmes de discussion de manière inappropriée à l’âge des enfants.

Par ailleurs, un enfant qui demande comment s’appelle le sexe des filles ou des garçons évoque bien une question sexuelle stricto sensu. Une éducation à la sexualité adaptée à chaque âge doit aller au-delà du cliché d’une enfance vue comme « pure » par les adultes, la pureté étant vue (et c’est largement contestable) comme l’absence totale de connaissances sur la sexualité. La formulation paraît donc ambiguë et contre-productive.

Le raisonnement est le même pour une formulation comme celle-ci : « l’enfance et l’intimité sont pleinement respectées« .

Il est évident que l’éducation à la sexualité adaptée à chaque âge respecte l’enfance et l’intimité. Elle est un remède à ce qui ne respecte pas l’enfance et l’intimité (les violences sexuelles, l’inceste par exemple), pas un problème. Le préciser paraît contre-productif, et met le texte dans une position inutilement défensive.

Certaines formulations disparaissent ou sont remplacées, réduisant la portée du texte.

L’éducation à la sexualité se fonde sur les valeurs humanistes de tolérance, d’égalité et de liberté, du respect de soi et d’autrui et « doit trouver sa place à l’école dans un esprit de laïcité, de neutralité et de discernement. » Cette formulation remplace  « sans heurter les familles ou froisser les convictions de chacun, à la condition d’affirmer ces valeurs communes dans le respect des différentes manières de les vivre ».

Pour le Sgen-CFDT, la phrase telle qu’elle était formulée dans le texte de 2003 rappelle aussi le lien important entre les familles et l’école, tout en réaffirmant avec tranquillité le cadre dans lequel travaille l’Éducation Nationale. Ce cadre aurait pu être réaffirmé car il donne des points de repère à la fois aux personnels concernés et aux familles pour travailler en bonne intelligence. La « laïcité » et la « neutralité » font par ailleurs partie du cadre général pour tout fonctionnaire.

Des formulations à préciser

«Il s’agit de faire acquérir un esprit critique par l’analyse des modèles et des rôles sociaux, notamment ceux véhiculés dans les médias et sur les réseaux sociaux à l’origine de discriminations, stigmatisations et violences.»

Pour le Sgen-CFDT, l’éducation à la sexualité doit effectivement prendre appui sur l’éducation aux médias. Mais les études sociologiques montrent que c’est principalement dans le cadre du foyer que les enfants acquièrent des modèles de rôles sociaux. En conséquence, la diabolisation des médias et des réseaux sociaux paraît excessive, nombre d’associations (comme le CRIPS ou le Planning Familial) utilisent aussi ces réseaux pour leurs campagnes.

Des notions essentielles oubliées par la circulaire

Enfin, certaines notions, absentes de cette circulaire, sont pourtant essentielles :

  • le consentement (adapté à l’âge des élèves). On trouve la notion de « respect du non-consentement » qui s’en rapproche, mais alors pourquoi ne pas employer le mot dans sa dimension positive ?
  • le respect de toutes les formes de familles, notamment les familles homoparentales. La loi sur le mariage pour tous méritait ainsi d’être prise en compte dans cette circulaire, et on aurait pu affirmer avec force l’égalité de toutes les familles, et de toutes les orientations sexuelles.
  • l’existence des personnes intersexes : 1,7 % de la population mondiale présente un corps ni masculin, ni féminin. Cela revient à évoquer le cas d’un·e élève toutes les trois classes environ. Rester dans le mythe de la binarité « naturelle » et indiscutable des êtres humains a des conséquences dommageables.

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Dans la mise en œuvre, il est essentiel de préciser que tous les personnels, membres de la communauté éducative, participent explicitement ou non, à la construction individuelle, sociale et sexuée des enfants et adolescents. Ainsi, outre les trois séances clairement définies, l’enseignement moral et civique, la philosophie, l’histoire, les arts plastiques, les lettres, etc. sont, et non pas « peuvent être », également concernés, comme c’est écrit dans la circulaire. L’apport des sciences sociales et humaines à la réflexion sur la sexualité est clairement sous-estimé, et on voit poindre la crainte d’une énième polémique autour des études sur le genre.

De même, l’éducation à la sexualité qui se fait de manière implicite, via les manuels scolaires par exemple, n’est pas du tout interrogée. Des études du centre Hubertine Auclert sont pourtant publiées tous les ans sur la question, et sont disponibles en ligne. Elles soulignent la permanence de clichés sexistes dans ces ouvrages, qu’une formation des personnels devrait permettre de détecter.

Quelle formation ?

« L’éducation à la sexualité nécessite que les personnels et intervenants soient formés. » Cette formation, clairement citée dans la circulaire, doit être effective et rapidement mise en œuvre. On ne peut que se réjouir de cette précision, dont on espère qu’elle annonce un réel plan de sensibilisation et de formation des personnels de l’Éducation Nationale, ainsi que des personnes qui travaillent au contact des enfants en partenariat avec elle (centres de loisirs par exemple).

En conclusion

La circulaire semble se fonder en partie sur le besoin de rassurer une partie de l’électorat, plutôt que sur une réflexion politique et scientifique de fond. Pour autant,

On a un texte qui soutient plutôt les personnels, et ce qui est déjà en place. Pour le Sgen-CFDT c’est très important.

Des précisions appréciables sont également apportées, comme la prise en compte des trois champs de la sexualité (biologique, psycho-émotionnel et juridique et social). Enfin, elle cadre clairement les relations avec les partenaires extérieurs. On peut regretter l’utilisation de formulations contre-productives, mais les précisions apportées et le soutien réaffirmé à cet enseignement, même de manière imparfaite, sont appréciables.

Pour aller plus loin :