La spécificité motrice et relationnelle de l'EPS, a dans un tel contexte, nécessairement amené de nombreuses réflexions.
Quelle place pour l’EPS pendant le confinement ?
Pour le Sgen-CFDT, l’enjeu majeur était de maintenir le lien avec les élèves. Nous précisions qu’il était donc nécessaire d’imaginer comment « faire autrement » sur une période donnée, quelque chose qui n’est pas vraiment notre discipline… »
Notre spécificité motrice et relationnelle, dans un tel contexte, a nécessairement amené de nombreuses réflexions, y compris sur le sens et la pertinence de ce que nous pourrions proposer.
Voici quelques témoignages… :
« J’ai eu l’impression que chacun partait tête baissée dans « son guidon », à qui propose tel outil, tel contenu, pour établir, garder, le contact et faire travailler ses élèves. Même les profs d’EPS y sont allés de leurs fiches d’entraînement et de recueil/mesure d’activité! L’UNSS a ajouté son grain de sel en inventant un challenge inter-AS !
C’est dur de se sentir inutile du jour au lendemain !
« Pour moi l’EPS ne peut être désincarnée: sa matrice est la présence physique aux autres, à un environnement matériel… »
Il a fallu réfléchir, selon les réalités de terrain, à l’engagement de l’enseignant·e d’EPS dans ses différentes missions. Concevoir des contenus, maintenir le lien avec les élèves, les familles, assurer des vies de classe, aider aux « devoirs », travailler en équipe disciplinaire ou de classe sur l’organisation pendant le confinement et post-confinement…
Un confinement « imaginatif » !
Dans les propositions de « pratiques physiques à distance », les équipes pédagogiques EPS ont fait un gros travail. Nous avons pu constater sur les réseaux de nombreux espaces d’échanges de pratiques. Les sites académiques ont également engagé un travail assez conséquent pour fédérer les différentes formes de pratiques proposées aux élèves.
De façon générale, les équipes ont pour la plupart proposé :
- Des activités de type renforcement
- Des activités de type « relaxation », Yoga, Respiration…
- Des activités d’arts du cirque
- Des formes jouées pour aborder tout cela !
- Des activités plus spécifiques sur certaines APSA avec des innovations en CO etc. , des apports théoriques parfois, des liens vidéos pour développer certains procédés comme en danse etc..
Mais pour plusieurs collègues, le sentiment de « recopier » des propositions de « divertissement » s’est fait sentir. « On a parfois eu le sentiment de faire du « Véronique et Davina » pour divertir les troupes ». Il a donc fallu redoubler d’imagination et d’adaptation… et accepter aussi de ne pas « sur-proposer » des activités aux élèves.
Des propositions adaptées, des retours variés…
Les collègues ont souvent travaillé en équipe, pour mutualiser leurs propositions. Ils se sont adaptés aux conditions de vie et de pratique de leurs publics respectifs.
Les retours des élèves sont de fait, beaucoup plus hétérogènes que les propositions… L’accès aux outils numériques, et l’espace de vie familial conditionnent largement, en EPS également, le suivi des propositions. Certains élèves ont également pu pratiquer assez régulièrement, sans cadre scolaire, mais portés par leurs proches, des applications personnelles etc.
« Dans mon collège de REP, environ la moitié de ma classe de 4ème a déclaré avoir fait une activité physique. Seuls 5 ont suivi les propositions du plan de travail… Certains ont pris des idées. »
Pour le Sgen-CFDT, l’enjeu était bien ce lien continu avec les élèves, et un encouragement à adopter des équilibres journaliers les moins délétères possibles pour la santé en général. Mouvement, échange et rire y trouvaient leur place ! Et ce, via des propositions EPS, des défis, des vies de classe, de l’aide au travail, ou de simples échanges téléphoniques pour prendre des nouvelles, donner quelques conseils…
Il n’en reste pas moins, que l’EPS dématérialisée n’est pas de l’EPS. Il faut juste l’avoir en tête pour continuer d’explorer ce qui fait le cœur de notre discipline !
L’EPS déconfinée : quelles conditions préalables…
Le conseil scientifique COVID -19 préconisait que les établissements scolaires ne rouvrent pas avant septembre. Le gouvernement en a décidé autrement. Il s’agit maintenant de prendre en compte la diversité humaine et sociale dans sa réalité et sa complexité.
Les équipes d’EPS ont bien perçu que l’EPS sera encore « autre chose »… Et les interrogations portent dans un premier temps, avant tout sur les conditions sanitaires et matérielles de leurs interventions.
« Mon sentiment si l’on reprend c’est qu’on ne pourra pas faire cours et qu’on va nous faire gérer les créneaux « d’étude » ».
Masque, pas masque ? Accepter 15 élèves ou 10, ou 5… Garder 10 mètres entre deux élèves qui courent ou 1m50 ? Boire, pas boire ? Se rassembler pour passer une consigne… prendre un haut parleur… ? Permettre d’autres cours après l’EPS ou non ? Aller sur des installations extérieures ou non… ?
Autant de questions qui vont se poser ces prochains jours au sein des établissements. Des réponses pourront être apportées par le protocole sanitaire. Toute situation qui semblerait ne pas rassembler les conditions de sécurité suffisante devra être signalée.
La sécurité et la santé de tous devront rester au cœur de l’ensemble des actions et de nos innovations. Le Sgen-CFDT rappelle qu’il sera présent pour accompagner chaque collègue qui vivrait une reprise ne respectant pas les normes du protocole sanitaire. Il est important de s’appuyer sur les instances comme les CHS de vos établissements pour vérifier la possibilité de mise en place des gestes barrières, de la distanciation sociale, l’accueil des élèves ayant un PAI, l’accueil d’élèves porteur de handicap et les protocoles d’intervention en cas d’accident.
Une fois les conditions sanitaires posées et garanties. Il s’agit de questionner ensuite le pourquoi ? Pour quoi faire EPS ? Et enfin de travailler sur le contenu… ?
L’EPS déconfinée : Pourquoi et quoi ?
Les corps auront été confinés pendant de nombreuses semaines, parfois dans des conditions difficiles. Si l’EPS ne pourra pas reprendre « comme avant », l’accueil de l’enfant, dans sa globalité, et dans le mouvement peut être un enjeu intéressant à saisir. En outre, ce qui a souvent grandement manqué aux élèves, ce sont les « copains ». Et le moment d’EPS, comme le reste des autres cours, même sans contact, doit prendre en compte cette dimension sociale.
Sans évaluation, sans pression des « programmes », peut-être l’école pourrait-elle saisir cette période de déconfinement pour faire un pas de plus sur l’accompagnement des élèves. Et même sans contact physique, faire une place importante à l’expression et la rencontre.
Qu’auront-ils vécu pendant cette période ? En quoi ce confinement a pu être profitable pour certains ? Très difficile pour d’autres ? Qu’est-ce qui aura « fait apprentissage » scolaire ou non ? Qu’est-ce qu’il est important pour un ado de vivre lors de cette reprise… voire plus généralement à l’École… ?
Cette période, sera sans doute difficile, frustrante. Peut-être aussi source de surprises. Il nous faudra faire des bilans quasi quotidiens, en équipe, avec les élèves, pour adapter les procédures, réguler les modalités de fonctionnement. Le dialogue et la concertation devront prendre toute leur place dans les établissements, en gardant en tête le « pour quoi » de nos actions.
Quelles propositions pour une EPS déconfinée ?
Selon les territoires, les conditions matérielles, l’EPS reprendra donc ou pas. Si elle reprend, ce sera en groupes très restreints, dans des espaces extérieurs, mais fermés au public. Les équipes ont maintenant à imaginer comment jongler sans matériel, sans contact… avec en tête de favoriser le plein-air, l’expression et la rencontre !
Parmi les activités supports possibles…
Nous pensons alors bien sûr aux activités plus classiques comme les courses, les parcours athlétiques de coordination, la corde à sauter si matériels personnels disponibles, ou des formes ludiques de renforcements (dans le prolongement des plans de travail, des jeux de l’Oie à tracer en très grand dans les cours etc – mais sans tapis, sans contact)… Il est aussi possible d’imaginer ces pratiques avec des réalisations collectives (y compris en imaginant des activités qui réunissent « les confinés et les déconfinés »…).
Nous pensons aussi à des activités qui commencent à émerger, de type relaxation, yoga, apprentissages de postures sécuritaires… la présence de tapis semblerait nécessaire, mais cela pourra peut-être se faire dans certains établissements.
Dans une perspective à plus long terme, avec des formations etc. pourquoi ne pas imaginer aller vers des pratiques (certes encore individuelles dans ce contexte singulier) qui s’inscrivent dans une toute autre philosophie que celles de nos APSA habituelles. Comme le Tai-Chi… et le Chi-Qong.
Saisir l’opportunité de réfléchir à la richesse de ce que pourrait proposer l’EPS en dehors des sentiers battus…
Si les conditions le permettent avec de très faibles effectifs, imaginer de grandes promenades à la découverte d’un milieu naturel ou des courses d’orientation aménagées…
Il y a aussi dans la besace, les activités d’expression. Nous pensons à la danse (vers un flash mob commun à l’établissement pour le déconfinement…?), ou à des activités de jeux théâtral. De nombreux petits exercices de théâtre peuvent permettre de travailler sur les émotions, la création individuelle et collective, même à distance !
Et dans une mise en scène plus « classique » de jeux collectif, de bonne partie de rigolade peuvent naître d’un volley sans ballon !
Le travail sur la relation à l’autre, le sens d’une distance (mon espace, ton espace etc), les rôles, l’attention commune, la respiration, y seront présents !
Il ne s’agit nullement de cautionner une EPS impossible et imposée dans certains cas. Il conviendra de refuser certaines conditions de pratiques jugées dangereuses au regard des protocoles. Il ne s’agit pas non plus de minimiser la situation et la nécessité du respect des consignes sanitaires. Mais pourquoi pas, saisir l’opportunité de réfléchir à la richesse de ce que pourrait proposer l’EPS en dehors des sentiers battus. Peut-être toutes ces idées seront-elles impossibles… mais nous pouvons faire le pas d’y réfléchir à plusieurs. Comment faire corps aujourd’hui sans contact pour mieux le retrouver plus tard, comment se « rencontrer » à « juste » distance… (les japnais parlent de la Ma-Aï). Il pourrait y avoir là de nouvelles réflexions.