La crise du COVID-19 bouleverse la campagne synchronisée de recrutement des EC, qui a lieu habituellement de mars à juin. Les réunions en présentiel des comités de sélection sont impossibles, le ministère en a tiré les conséquences, en annonçant plusieurs mesures d’adaptation. Analyse du Sgen-CFDT.
Le Sgen-CFDT tient à souligner plusieurs points d’attention
1. Les mesures annoncées par le ministère
a) Une modification du calendrier de la session synchronisée.
Voici les nouvelles dates :
- clôture de l’enregistrement des candidatures aux postes et de dépôt des documents dématérialisés sur Galaxie : jeudi 9 avril ;
- ouverture du module GALAXIE permettant aux candidats de prendre connaissance des décisions des établissements et d’exprimer leurs vœux d’affectation : jeudi 25 juin ;
- date limite de saisie des vœux d’affectation sur Galaxie : jeudi 2 juillet, 16h
- publication des résultats sur Galaxie : lundi 6 juillet.
Lien vers le calendrier actualisé de la campagne de recrutement « synchronisée » 2020
b) La possibilité de tenir tout ou partie des réunions des comités de sélection en visioconférence ou audioconférence pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2020.
Cette possibilité est formalisée par le décret n° 2020-437 du 16 avril 2020, qui concerne l’ensemble des concours de recrutement de la fonction publique. Une note du ministère de l’enseignement supérieur précisant le cadrage pour les comités de sélection devrait être transmise sous peu aux établissements. En effet, le décret pose des principes généraux concernant les garanties techniques de ces séances mais sans les préciser.
c) Une campagne « au fil de l’eau »
Des facilitations techniques pour faire basculer vers une campagne « au fil de l’eau » les postes ouverts initialement dans la session synchronisée et pour lesquels les établissements souhaiteraient reporter l’organisation des comités à l’automne.
2. L’analyse du Sgen-CFDT
Ces mesures se comprennent parfaitement dans le contexte de crise du COVID 19. La souplesse est de rigueur dans ces circonstances. C’est maintenant aux établissements et aux membres des comités de sélection de veiller à ce que souplesse ne rime pas avec confusion ou manque de rigueur.
Les enjeux de la campagne annuelle de recrutement sont en effet très lourds : il s’agit de recruter des collègues qui seront en poste dans l’établissement pour de nombreuses années souvent. Pour nos jeunes docteurs, c’est toute l’organisation de leur vie à la rentrée qui est en jeu.
Ne pas agir dans la précipitation
Le Sgen-CFDT tient donc à attirer l’attention des collègues sur plusieurs points, sachant qu’aucune solution n’est idéale. Il faut donc seulement s’efforcer de ne pas agir dans la précipitation, mais de garder raison en pesant soigneusement les conséquences des choix retenus.
Rester prudent vis-à-vis de la généralisation des recrutements « au fil de l’eau »
Remplacer la session synchronisée 2020 par du recrutement « au fil de l’eau » semble être d’ores et déjà le schéma retenu dans un certain nombre d’établissements. Les postes seraient alors ouverts non pas au 1er septembre 2020, mais plus tard dans l’année universitaire. Vu les délais incompressibles de gestion de la procédure (validation par les CA, délai de réponse des candidats, mise en œuvre du recrutement par les services RH), un comité tenant tous ses travaux en septembre pourrait difficilement aboutir à un recrutement avant novembre, dans le meilleur des cas, voire décembre. Et des réunions en octobre aboutiront certainement à un recrutement seulement pour janvier.
La solution de passer l’intégralité des postes au « fil de l’eau » est certes légale. Les universités ont effectivement la possibilité de reporter ainsi dans le temps leurs ouvertures de postes et cela a l’avantage de pouvoir envisager un fonctionnement à peu près « normal », c’est-à-dire en présentiel, des comités. Si tant est du moins qu’une partie des personnels et/ou des candidats ne soit pas encore en quarantaine à cette date, en fonction de l’évolution de l’épidémie, qui est pour le moins incertaine. Rien ne dit en effet que la situation sera revenue à la normale à la rentrée.
Ressources humaines
Mais ce scénario pose de nombreuses questions d’un point de vue des ressources humaines.
Du côté des personnels enseignants-chercheurs et BIATSS, qui vont avoir à réorganiser les comités de sélection dans les établissements et à gérer les conséquences des recrutements décalés sur l’organisation pédagogique, mais aussi bien sûr du côté des candidats qui devront s’adapter à ces changements, et les subir :
– ce décalage risque de mettre en difficulté, tant sur le plan financier qu’humain, les « potentiels recrutés ».
Comment les candidats qui souvent sont déjà en activité professionnelle (les ATERS, les chargés de cours, les enseignants du second degré, etc.) seront-ils rémunérés à la rentrée si tout est reporté à l’automne pour le processus de recrutement ?
Devront-ils prendre un nouveau poste temporaire et le lâcher deux ou trois mois plus tard, avec ce que cela implique de bouleversements personnels (déménagements, etc.) ?
Les établissements qui décalent leurs recrutements à l’automne seront inévitablement confrontés à une réduction de leur vivier de candidats, certains préférant, par sécurité, accepter le premier poste qu’on leur propose, plutôt que le poste de leurs rêves. C’est tout le problème d’une session désynchronisée, où les universités vont être confrontées au système « premier arrivé, premier servi ».
Quelle organisation pédagogique dans les établissements ?
– Concernant l’organisation pédagogique dans les établissements : comment les équipes pédagogiques pourront-elles s’organiser au 1er septembre si les postes prévus ne sont pas pourvus dès la rentrée ? Qui assurera les cours à la rentrée ? Et comment gérer le départ en cours de semestre des jeunes ATERS, post-docs ou vacataires qui auront été recrutés au fil de l’eau sur un poste de maître de conférence ? Ou celui des MCF recrutés ailleurs comme PR ? Ou des EC qui partent en mutation ?
Mêler visioconférence et présentiel en restant dans le cadre de la session synchronisée ?
Rester dans le cadre de la session synchronisée a l’avantage de permettre un recrutement dès septembre, plus simple à gérer tant pour les équipes d’accueil que pour les candidats qui, recrutés ou pas, peuvent envisager plus clairement leur organisation pour l’année prochaine. Elle présente deux difficultés, qui ne sont pas insurmontables mais nécessitent une attention particulière :
1. Ne pas oublier de respecter les procédures de mutations prioritaires :
en cette période de confinement ou post-confinement, il faut veiller à ce que les instances universitaires poursuivent leurs travaux, et examinent normalement les demandes de mutations prioritaires (pour rapprochement de conjoint, etc.). Le Sgen-CFDT déplore que les EC constituent un des rares corps de la fonction publique dont les membres ont du mal à accéder à ce droit pourtant fondamental et inscrit dans la loi, ce qui génère des situations personnelles souvent très difficiles pour les personnels.
2. L’usage de la visioconférence :
La visioconférence représente selon nous un moindre mal, vu les circonstances très particulières que nous affrontons et l’incertitude pesant sur les mois qui viennent en terme d’organisation des activités universitaires et de déplacements. Car, même si c’est ce que le Sgen-CFDT souhaiterait évidemment, l’objectif de réunions « tout présentiel » ne sera probablement pas atteignable, même en septembre, que ce soit pour les membres du jury ou pour les candidats, du fait des quarantaines personnalisées prévisibles pour les personnes testées positives au virus.
Afin de minimiser les inconvénients liés à l’usage de la visioconférence, il est sans doute préférable de décaler autant que possible en juin les réunions des comités de sélection, qui visent à auditionner les candidats.
Cela pourrait permettre en effet :
- qu’une partie au moins du jury, voire des candidats puissent être présents physiquement, au moins pour la seconde réunion ;
- que les membres du jury ou candidats qui ne peuvent se déplacer jusqu’à l’université de recrutement puissent au moins accéder à des locaux universitaires proches de chez eux et, ainsi, à des salles correctement équipées et des réseaux sécurisés pour la visioconférence.
- d’éviter le téléscopage des visioconférences avec les activités des autres membres de la famille pour ceux qui feraient la visioconférence depuis chez eux
Prendre le temps de peser les enjeux
L’enjeu majeur de la visioconférence tient en effet en deux points, sur lesquels nous incitons les collègues à être particulièrement attentifs :
- assurer des connexions stables et sécurisées. En cas d’interruption de connexion d’un membre du jury, il faudra soit arrêter les débats jusqu’à sa reconnexion, soit, si elle se prolonge, l’exclure du vote final. Pour un candidat, il est prévu qu’en cas d’interruption de connexion, la durée de la visioconférence soit prolongée d’autant, voire soit reprogrammée.
- veiller à ce que la visioconférence se passe sereinement et que ce cadre particulier ne bride pas l’expression des membres du comité, qui doivent tous pouvoir s’exprimer librement. Cela implique de repenser notamment l’organisation des réunions, en prévoyant des sessions plus courtes avec des pauses, éventuellement réparties sur plus d’une journée. La tension et la fatigue générées par une réunion en visioconférence ne sont pas les mêmes qu’en présentiel. Il faut en tenir compte.
Au final, il n’existe pas de solution idéale pour réorganiser cette campagne 2020. Nous conseillons donc surtout aux collègues de bien prendre le temps de peser les enjeux et conséquences des choix qu’ils vont faire, dans le respect de l’intérêt collectif.
N’hésitez pas à contacter les militantes et militants du Sgen-CFDT !