Le métier - complexe - d'enseignante coordinatrice ULIS (Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire), par Evelyne Clavier (extrait du journal francilien "Quoi de neuf", n°42).
A l’interface des familles, des équipes pédagogiques et éducatives, de l’AESHco, des représentant-e-s des structures médico-sociales et de la MDPH via l’enseignant-e référent-e, la coordinatrice ou le coordinateur a une mission : construire des ponts entre les différents partenaires de l’école dans l’intérêt et le respect des élèves en situation en handicap. Avec la responsabilité de scolariser au mieux en milieu ordinaire et de préparer à vivre dans une société encore peu incluante.
Construire des ponts
Une bonne communication est donc nécessaire ainsi que le sens de la diplomatie voire de l’humour. La présence d’un dispositif Ulis au sein d’une communauté scolaire n’est pas toujours bien vécue et peut devenir source de conflits de valeurs et de personnes. « On ne veut pas de tes élèves. Ici, on est un collège d’excellence » a dit un de mes collègues lors de l’ouverture du dispositif l’Ulis où je travaille. Les onze élèves qui le constituent font encore peur car ils bousculent la norme scolaire et identités professionnelles. Le droit fondamental à l’éducation est encore remis en cause pour certains d’entre eux dont la légitimité au sein de l’école est questionnée. Certaines inclusions peuvent ainsi se transformer en exclusions et doivent faire alors l’objet de d’explicitations voire de négociations. Le concept d’école inclusive n’est pas donc pas toujours bien entendu et de ce malentendu peut naître la mésentente entre collègues.
Réfléchir à ses pratiques
L’éducation inclusive engage pourtant à un travail d’équipe ainsi qu’à une réflexion sur ses pratiques pédagogiques et éducatives. Pour ma part, j’ai fait le choix des arts pour inclure et pour travailler la représentation des handicaps. Ainsi que l’écrit Martine Caraglio dans son ouvrage La scolarisation des élèves en situation de handicap, « le sens [du mot handicap] s’est déplacé vers un manque inhérent à la personne, une infériorité » et ainsi « le trouble et la déficience définissent encore l’élève handicapé, plus que son fonctionnement psychologique et cognitif ». Cette catégorie « handicapée » à laquelle les élèves d’Ulis se sentent parfois malgré eux assignés leur fait violence et génère une violence à laquelle on doit faire face et qu’on doit chercher à apaiser.
Singularités
J’ai postulé qu’une pratique artistique en danse contemporaine issue des œuvres de Samuel Beckett peut amener mes élèves à se représenter leur handicap non pas comme déficience ou une infériorité mais comme singularité à cultiver. La danse qui mobilise de multiples formes d’intelligence – l’intelligence kinesthésique, l’intelligence intra et inter-personelle – rend en effet les élèves plus autonomes et plus acteurs leur scolarité. Il s’agit de les inviter à se « dégager de l’idée martelée d’une préfiguration du monde² » et peut-être à déjouer des parcours prétracés pour eux dans l’espace scolaire où ils trouvent dans un inconfortable entre-deux : ils n’y sont ni vraiment inclus, ni vraiment exclus. Cet entre-deux semble aussi caractériser mon métier qui place en équilibre précaire entre un travail d’enseignement et un travail de coordination et d’administration, équilibre qui permet de sortir de l’entre-soi de l’Education nationale et de faire évoluer ses pratiques au contact de celles des autres.
1 Martine CARAGLIO, Les élèves en situation de handicap, Que sais ? N° 4065, Paris, PUF, 2017
² Maguy MARIN, dans la présentation du séminaire de recherche ARFAE du 22 mai 2017 de l’ENSAT à Lyon : Un dialogue entre Maguy Marin et Philippe Meireu. Transmettre l’art, l’art dans la transmission : enjeux et interactions.