Combattre la souffrance au travail

Le Sgen-CFDT de Paris a invité Marie Pezé, psychologue, psychanalyste et fondatrice du réseau Souffrance et travail pour une rencontre à la CFDT Île de France, le 30 janvier dernier.

Vécus comme une marque de faiblesse, la maltraitance au travail ou le burnout sont peu discutés entre collègues. Les personnes, dans la crainte des regards, hésitent à exposer leurs difficultés. Du côté de l’institution, tout se passe comme si on ignorait la personne en souffrance. Aucune médiation n’est proposée.

Est-ce qu’on peut se sortir d’un burnout ?

Mais oui, bien sûr. On met sous cet intitulé des choses différentes. Nous préférons parler de pathologies de surcharge et de pathologies de la solitude. Dans les premières, on rencontre les troubles cognitifs, lorsque la mémoire est saturée par la charge de travail, puis vient l’épuisement professionnel, qui peut s’actualiser un matin par le fait de ne plus pouvoir se lever. On s’effondre. C’est aussi la tentative de suicide, ou l’accident vasculaire cérébral. Et puis tout ce qui est somatique, les troubles musculosquelettiques (TMS). Ce sont des formes qui ne ressemblent plus au burnout d’autrefois. On peut avoir une crise aiguë, un « pétage de plomb » sur le lieu de travail.

Il faut le déclarer en accident du travail.

Avoir le bon réflexe, avoir des témoins

Vous sortez d’un entretien d’évaluation qui se passe mal. Vous êtes en larmes. Accident du travail. Il faut appeler les pompiers. Il faut qu’il y ait des témoins, des collègues qui soient là. Il faut tout de suite reconnaître l’accident du travail.

Vous éclatez en sanglots dans une réunion. Il y a des témoins. C’est un état de détresse : accident du travail. Cette logique est importante parce que la maladie professionnelle est un processus épouvantablement compliqué, il faut atteindre 25% d’incapacité pour être reconnu. Alors que l’accident du travail reste beaucoup plus simple à reconnaître.

Si vous êtes contractuel.le, vous pouvez télécharger vous-même sur ameli.fr le formulaire cerfa (Cerfa 14463_03).
Si l’employeur refuse de le déclarer comme tel alors qu’il n’en n’a pas le droit (il peut émettre des réserves), vous pouvez envoyer la fiche accompagnée d’un courrier précisant : « je vous joins le rapport des pompiers, le nom des témoins ». Il faut être factuel.
L’ordonnance 2017-53 du 19 janvier 2017 aligne pour l’administration et sur le privé la déclaration en accident du travail.

Ce n’est plus au fonctionnaire de faire la preuve qu’il y a accident de service.

C’est à la hiérarchie de démontrer que ça n’en est pas un.

Le besoin de recréer du collectif

D’autre part, nous observons les pathologies de la solitude. Avec ce qui relève du harcèlement moral.

Le harcèlement ne peut proliférer que si on ne défend pas ses collègues, s’il n’y a pas réponse collective.

Si vous êtes défendu.e par un.e collègue qui vient vous dire : « Je ne suis pas d’accord avec la façon dont tu as été traitée. », vous ne vous sentez pas abandonné.e par tout le monde. Une seule parole suffit, même après une réunion au cours de laquelle la personne a été humiliée en public. Il faut être attentif à la perte des solidarités.

Pouvoir compter sur les autres est important, cela s’appelle vivre ensemble.

Travailler en mode dégradé

souffrance au travailDans ce pays le travail reste un impensé, ce n’est pas un enjeu de santé publique. Hors nous sommes sans cesse connectés au travail. Il est à l’intérieur de nous. Et le burnout reste un concept très vague qui agrège toutes les difficultés liées à un monde du travail en mode dégradé.
Surcharges de connectivité, hyper-fonctionnement, interruptions incessantes, injonctions contradictoires… Pour autant, si l’on se sent épuisé.e, avec des troubles cognitifs et qu’on ne sait pas comment objectiver cet état, il faut demander à son médecin généraliste un bilan neuropsychologique. Qui peut évaluer votre mémoire, votre concentration, votre logique et peut aboutir à un diagnostic différentiel entre dépression et burnout.

Pour aller plus loin

La vidéo de la conférence sur la souffrance au travail, avec Marie Pezé.

Notre dossier spécial « bien-être au travail« .