Ce dossier rassemble différentes interviews et différents témoignages réalisés par des militant·es du Sgen-CFDT et de la CFDT Fonctions Publiques, et s’enrichira au fil du temps de nouvelles contributions.
Clés de compréhension
- Parlons métier :
- Équipes de vie scolaire dans les établissements du second degré
- Dans les Universités
- L'autre trésor public : paroles d'agents sur leur travail
Les équipes de vie scolaire
Les témoignages ci-dessous sont la version intégrale des interviews réalisées dans le cadre du dossier de Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 260 (avril 2018), « Pour une nouvelle écologie éducative ».
Je travaille toujours pour et avec l’humain
Laurence Fanoi, CPE
Laurence Fanoi, après avoir exercé différents métiers – dont celui d’assistante sociale (AS) –, a décidé de passer le concours de conseillère principale d’éducation (CPE). Elle exerce aujourd’hui dans un collège (de l’académie de Dijon) qui comporte une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) et une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Propos recueillis par Dominique Pasteur
« Aujourd’hui, on me dit souvent que j’ai un profil atypique ! Mon métier d’assistante sociale a été un véritable tremplin et m’a permis de composer une identité professionnelle originale bâtie autour de valeurs humaines solides et de pratiques éducatives très concrètes au quotidien. Mon approche, presque intuitive, s’adapte très facilement en fonction de la personnalité des élèves que j’ai en face de moi. Je crois savoir « jongler » entre empathie, écoute, réflexion, cadrage, autorité. Je maîtrise les techniques d’aide à géométrie variable! Les qualités d’analyse indispensables dans le métier d’AS ont été réinvesties dans mon travail auprès des ado et des familles. L’aisance relationnelle que j’ai acquise, les habitudes de concertation, la collaboration avec les structures et partenaires extérieurs sont des composantes essentielles dans mon métier de CPE. »
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Nous avons une grande responsabilité quand nous donnons des conseils
Floriane Bailly et Marie-Charlotte Jeanne, AED
Floriane Bailly et Marie-Charlotte Jeanne sont assistantes d’éducation (AED) dans un collège du Territoire de Belfort.
Propos recueillis par Sandrine Fontaine
Quelles sont vos principales activités dans une journée ?
C’est l’encadrement des élèves, c’est-à-dire leur surveillance dans les différents endroits qu’ils fréquentent : la cour, les couloirs, la cantine, la salle de permanence, la grille… Nous gérons les absences et les retards des élèves, nous passons énormément d’appels aux parents. Nous avons aussi beaucoup de travail administratif, de rangement de justificatifs, et de convocations et de papiers à distribuer. Et puis ce qui est nouveau cette année, c’est l’encadrement de l’aide aux devoirs dans le cadre du dispositif « Devoirs faits ».
Quelles compétences faut-il pour être AED ?
Nous sommes à moitié grandes sœurs, psychologues, infirmières… et même conseillères conjugales [rires]. Il faut bien comprendre que les collégiens se confient beaucoup à nous, ils nous disent tout. Nous avons donc une grande responsabilité quand nous leur donnons des conseils sur leur comportement. Nous essayons aussi de faire de la prévention sur les conduites dangereuses (et il y en a beaucoup à l’adolescence). Il faut aussi bien savoir gérer les conflits.
Avec qui êtes-vous en lien dans l’établissement ?
Avec tout le monde et tout le temps ! Nous sommes un vrai lien entre les élèves et les CPE, nous leur relayons les cas les plus difficiles à gérer et les alertons sur les « histoires » compliquées. Nous communiquons aussi beaucoup avec l’infirmière, si un élève nous semble fatigué, seul, triste ou si nous remarquons qu’il ne mange pas beaucoup à la cantine. Les profs viennent nous voir aussi pour discuter d’un élève ou nous demander un coup de main sur tel ou tel projet.
Dans les universités
Changer de regard sur les handicaps
Mahmoud Kekouche, pôle Handicaps et accessibilités
Mahmoud Kekouche est responsable du pôle Handicaps et accessibilités au service orientation et insertion professionnelle de l’université de Paris-Nanterre (SCUIO-IP).
« Nous préparons la 4e édition d’une Semaine de l’accessibilité et du handicap, une semaine (du 12 au 17 mars 2018) qui est faite pour changer de regard sur les handicaps. Nous proposons de nombreuses activités aux agents et aux étudiant.es pour que tout le monde puisse échanger, réfléchir aux postures d’accueil et à l’inclusion qui est toujours perfectible, bien sûr. Cette sensibilisation passe par des activités physiques adaptées, des mises en situation, des parcours d’activités, des ateliers. »
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Toute la vie du campus entre midi et 14h
Mathieu Palerme, cuisinier au Crous
Mathieu Palerme, cuisinier au Crous de Créteil sur le campus de l’Upem – Université Paris-Est Marne-la-vallée.
« La distribution des repas aux étudiants, il faut que ça débite, nous disposons d’’une minute maxi par personne, servir une assiette, c’est 10 – 15 secondes. Le manque de personnel se ressent au niveau du service de restauration. Il y a environ 900 étudiants sur ce campus, 3 cafétérias et deux restaurants. C’est ce qu’on appelle le flux tendu, non ? L’ambiance est plutôt bonne dans l’équipe (deux cuisiniers, une dizaine de personnes dans le service) : c’est important de bien s’entendre avec ses coéquipiers, avec tout le monde. »
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Beaucoup d’activités invisibles
Élisabeth Sioudan-Devailly, ingénieure d’études
Élisabeth Sioudan-Devailly, ingénieure d’études à l’université Paris-Descartes, élue Sgen-CFDT au CA de son établissement et de la ComUE Sorbonne Paris Cité, mais aussi militante Sgen-CFDT dans d’autres lieux ou instances que son univers professionnel.
« …La première question qu’on vous pose quand vous dites que vous travaillez à l’université est le plus souvent : « Tu travailles à l’université ? Tu enseignes quoi ? ».
Représentation peu flatteuse, un peu comme si nous étions transparent.e.s, ou comme si nos tâches étaient secondaires. Cela dit la question révèle une autre méconnaissance profonde de l’université : on nous demande ce que nous enseignons, mais la plupart des gens ignorent que les enseignants chercheurs (EC) eux-mêmes ne font pas qu’enseigner, et que pour l’évolution de carrière des EC, la comptabilisation des articles qu’ils publient compte beaucoup plus que leur activité pédagogique. »
L’interview intégrale
Etre un facilitateur
Matthieu Gallou, président d’Université
Matthieu Gallou, président de l’université de Bretagne occidentale (UBO) qui accueille 23 000 étudiant·es et compte 2 250 personnels.
« Le plus important, dans le rôle d’un président d’université, c’est d’offrir aux 22 500 étudiant·es de l’UBO les meilleures conditions d’étude, et aux 2 250 personnels les meilleures conditions de travail, le tout dans un univers contraint, notamment au niveau des moyens.
Je dois être un facilitateur. En somme, c’est un combat au quotidien que je mène afin de pouvoir dire « oui » le plus souvent possible. »
L’interview intégrale
L’autre trésor public : paroles d’agents sur leur travail
En février 2018, la CFDT Fonctions Publiques a publié un recueil de témoignages d’agents de la fonction publique.
« L’autre trésor », ce sont ces femmes et ces hommes qui font toute la richesse de la fonction publique : elles s’appellent Sandrine, Johanne, Myriam, Julie, Marie France… Ils s’appellent Pascal, Christophe, David, Luc… Elles/ils sont secrétaire, policier, sage-femme, inspectrice du travail, professeur de musique, assistante de service social, infirmière, sapeur-pompier, directeur d’école…
Dans ce livre, trente agents de divers horizons racontent leur travail : ces récits nous font plonger au coeur de métiers passionnants et balayent toutes les images galvaudées qui entourent la fonction publique.
Faire connaître et circuler ces paroles, c’est donner à entendre l’investissement des agents dans leurs missions de service public. C’est leur donner voix au chapitre.
(Éditions de l’Atelier, février 2018, 176 pages, 11 euros)
Ci-dessous, des extraits des contributions concernant notre champ professionnel.
Je sais qu’au cours d’une discussion qui peut paraître légère, j’entendrai énormément d’informations
Chrystelle Brûlé, infirmière
« Qu’on ne me dise pas qu’une infirmière de l’Éducation nationale s’ennuie ! Même une journée ordinaire est intense. Je dois voir certains élèves presque quotidiennement, par exemple ceux qui sont diabétiques insulino-dépendants. Je n’en vois d’autres que pour un petit accident, une chute ou un coup en sport, ou bien, en période d’épidémie, pour une grippe ou une gastro.
Et puis il y a tous ceux qui n’ont peut-être pas de grosse pathologie, mais souvent bien des vagues à l’âme, des inquiétudes d’adolescents et des questions existentielles : ça fait des discussions intenses dont je sors vidée. Je préfère ne pas instaurer de visites régulières comme on peut le faire avec un psychologue : ce n’est pas forcément quand on est convoqué qu’on parle le mieux. Je laisse la porte ouverte, en leur disant : « Tu passes me voir, si je suis disponible on s’octroie un temps. » L’écoute, c’est un puzzle. Un jeune en souffrance ne va pas vous balancer d’un coup tout ce qu’il a sur le cœur, il faut lui laisser le temps. »
Certains cas sont dramatiques, mais je suis depuis suffisamment longtemps sur le même secteur pour voir aussi de beaux parcours.
Dominique Aguir, médecin scolaire
« J’aurais beaucoup à dire sur la disproportion entre toutes mes missions et les moyens dont je dispose. Mais je n’ai pas de doute sur l’utilité de ce que je fais dans le cadre du service public de l’Éducation nationale au service de tous les enfants scolarisés, et en lien avec de très nombreux partenaires au sein et à l’extérieur de l’Éducation nationale. »
Pour que ces élèves se réconcilient avec l’école, dès le début de l’année, j’installe dans mes cours un cadre où la parole pourra s’exprimer.
Gwenaël Le Guével, professeur des écoles en SEGPA
« Je suis professeur des écoles, mais je travaille dans un collège où je m’occupe des élèves d’une SEGPA. Ces élèves entrent en 6ème avec beaucoup de difficultés scolaires, disons un niveau de CE1. Alors, l’institution les confie à des professeurs des écoles censés leur permettre de « reprendre les bases ». Sauf que, quand on n’a pas réussi à apprendre à lire pendant six ans, est-ce qu’on y croit encore la septième année ?
[…] Je pense à Estelle que j’ai retrouvée sur Facebook. Elle a maintenant une vingtaine d’années. Son rêve, c’était de devenir styliste. Elle a continué jusqu’à l’obtention du bac pro « métiers de la mode » après avoir redoublé au moins quatre fois. Elle n’a pas lâché le morceau, malgré ses grosses difficultés à l’écrit, communes à tous les élèves de SEGPA. Je l’avais en musique. Comme elle voulait chanter, faire de la scène, je lui ai donné un micro. Elle a senti qu’il y avait un truc qu’elle était capable de faire… Elle s’est éclatée… Elle a perçu que quelqu’un la prenait en considération. Là, il semble que quelque chose s’est enclenché. C’est passé par du respect, de l’amour, de l’attention. Alors, elle s’est accrochée, elle a fait un CAP et puis elle a continué. Mais il faut être modeste, c’est un cas rarissime. »
Pour moi, une enseignante, c’est comme un berger qui doit sans arrêt veiller à ce que le troupeau reste groupé, tout en laissant chacun paître à sa guise
Lætitia Aresu, professeure de français en collège
« Les élèves, je les ai tous un peu en tête lorsque je prépare mes cours. C’est un moment de mon métier qui ne se voit pas beaucoup, mais que j’aime particulièrement. Cet été, j’ai préparé la progression annuelle de mes séquences. Je suis allée à la bibliothèque pour choisir des œuvres qui pourraient convenir, de l’album jusqu’au roman. J’ai réfléchi aux liens que je pourrais faire entre mon enseignement en classe et les projets envisagés ; par exemple, cette année, tout un travail sur Mozart, ou encore un projet de lecture avec l’association « Lis avec moi ». Je sais bien qu’ensuite il va falloir que j’ajuste en fonction des élèves, mais j’aime vraiment beaucoup commencer ainsi à me projeter dans ce que je vais faire avec eux. »
J’aime bien rester très longtemps dans la même école pour pouvoir tisser des liens avec les familles
Luc Grimonprez, professeur des écoles en grande section de maternelle
« Mon travail est d’organiser une progression d’exercices qui permettront aux élèves de grande section d’entrer au CP avec les outils nécessaires à la maîtrise des codes de la lecture et de l’écriture. Pour cela, je leur demande de déconstruire et de reconstruire des mots avec des lettres mobiles puis de les retrouver, par exemple, dans une grille. Il faut les voir, en petits groupes, manipuler les lettres aimantées : « Tu me passes ton A, je te donne mon D. » Peu à peu, ils comprennent que le mot a un début et une fin. À l’oral, ils en reconnaissent les syllabes et apprennent à y percevoir les sons (les phonèmes) et à les associer à des lettres (les graphèmes). Mais ce jeu de construction lasserait vite si on ne l’alliait pas au plaisir de lire des histoires dans lesquelles les enfants vont tout à coup retrouver un mot entier qu’ils ont rencontré lors de leurs manipulations, et se rendre compte qu’il permet d’entrer dans l’imaginaire, qu’il est porteur de sens.
[…] Ce que je trouve fascinant est d’avoir affaire à des enfants qui ne se sentent pas encore sortis du cocon parental. C’est pourquoi j’aime bien rester très longtemps dans la même école pour pouvoir tisser des liens avec les familles. Par exemple, cette année, dans ma classe, il y a quelques élèves dont j’ai eu les grands frères et les grandes sœurs comme élèves. J’ai toujours voulu être « instit » en milieu rural parce que j’aime bien ce lien-là. Ainsi, si j’habite dans le village d’à côté, je fais mon marché dans le village où je travaille. Les parents me connaissent, ils sont en confiance et je crois que les enfants le sentent. »
Quand la cafetière fonctionne, quand il y a des traces de viennoiseries ou de petits biscuits, c’est qu’il y a une vraie vie d’école, du plaisir à bien travailler
Alain Rei, directeur d’école
« Devant l’école dont je suis directeur, les enfants et leurs parents peuvent attendre et discuter tranquillement au début ou à la fin de la journée sur un large parvis piétonnier. Pour moi, être là le matin, devant le portail, est doublement important : bien sûr, je dis bonjour, je suis disponible pour quelques mots ; mais c’est aussi un moment essentiel pour observer ce qui se passe, ce qui se dit. Dans mon esprit, ce n’est pas du contrôle, je ne suis pas à l’affût des fauteurs de troubles.
Mais ma présence contribue à un sentiment de sécurité, au sens large du terme : le premier pas de l’enfant dans l’école doit être un pas joyeux, et j’apporte ma petite contribution en prenant la peine de les accueillir. Le jour où je suis seulement directeur, il m’arrive de rester vingt minutes pour parler avec des familles. C’est un peu chronophage, mais en fait ça fait gagner beaucoup de temps. C’est un peu informel, on fait le tour des menus incidents mais, du coup, on désamorce des situations avant qu’elles ne deviennent conflictuelles. »
J’apprécie particulièrement de passer du temps avec ceux qui en ont besoin, sans contrainte de programme scolaire et sans le face-à-face qui s’impose souvent dans une classe.
Christine Delbos, professeure documentaliste
« Les élèves viennent lire, emprunter, dessiner, mais aussi « se réfugier des autres » selon l’expression d’un élève en situation de handicap de la classe ULIS. Ils évitent ainsi l’agitation de la cour de récré… Cela m’a posé problème : est-ce que je n’allais pas enfermer davantage ces élèves dans leurs difficultés relationnelles ? Finalement, avec le temps, ces élèves atypiques se sont retrouvés au centre de documentation, ils ont rencontré d’autres « fidèles du CDI » et ont créé une dynamique particulière qui a attiré d’autres élèves. »
Je peux construire au fil du temps, et pas uniquement en moment de crise : de petites avancées, mais bien visibles
Delphine Desombre, assistante de service social en milieu scolaire
« Même quand c’est conflictuel, on peut travailler. Quand des parents manifestent de la colère, je sais que ce n’est pas à l’assistante sociale qu’elle est adressée : elle sort à ce moment-là parce qu’ils sont débordés. J’arrive mieux à gérer l’agressivité des parents que leur retrait des situations. Ce qui me rend impuissante, c’est qu’ils ne veuillent pas collaborer, qu’ils ne répondent pas aux sollicitations. Et force est de constater que ça met échec et mat tout le monde, y compris la justice. »
Ce que je préfère dans mon travail d’ingénieure d’étude à l’INRA, c’est partager mes recherches avec la communauté scientifique.
Marie-Hélène Perruchot, ingénieure à l’INRA
« Le mot d’ordre de l’INRA, c’est « science et impact ». En d’autres termes, je dois mener des recherches, autant que possible obtenir des résultats pertinents, et surtout les publier : le scientifique qui ne publie pas disparaît. Il faut donc passer un temps considérable à suivre la littérature scientifique pour proposer un sujet d’intérêt majeur et original. L’enjeu est ensuite le financement des recherches : sans publications à mentionner dans les dossiers de financement, pas d’argent, et sans argent, pas d’histoires à raconter… Cela nous impose une pression considérable, et c’est rude quand les projets ne sont pas retenus ou lorsque les expérimentations ne se déroulent pas comme prévu. »