Le 6 février 2024, le Sgen-CFDT rencontrait en bilatérale la ministre de l’enseignement supérieur et la recherche après le remaniement de janvier, et avant les économies annoncées brutalement par le gouvernement : quelles marges d’action lui reste-t-il ?
Le coup de frein à l’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche
Le 22 février 2024, dans un décret paru au journal officiel, nous découvrions les coupes budgétaires imposées par le gouvernement à l’ensemble des ministères et donc des services publics.
Le Sgen-CFDT a dénoncé dans un communiqué de presse le coup d’arrêt porté avec ces coupes budgétaires à la relance de la recherche publique et au soutien à l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche que semblait préconiser le président de la République en décembre 2023.
A la clé, c’est tout à la fois la dégradation des conditions de travail des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche et la dégradation du système public d’enseignement supérieur et de recherche.
Par le passé les moyens alloués n’ont pas suivi l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s. Cela a pour conséquence le taux d’encadrement très dégradé, des conditions de travail et d’étude en berne. Pour le Sgen-CFDT, il faut renforcer l’encadrement des étudiant.e.s et cela requiert des investissements publics dans la durée, si le gouvernement compte sur la baisse démographique qui s’amorce, c’est un bien mauvais calcul.
Retour sur l’audience du 6 février 2024 avec Sylvie Retailleau
Le 6 février 2024, le Sgen-CFDT rencontrait la ministre Sylvie Retailleau en bilatérale. Elle nous annonçait du dialogue social sur la recherche publique, sur la poursuite des perspectives ouvertes par l’accord RH dont le Sgen-CFDT est signataire pour améliorer les conditions de rémunération des agents, sur l’accompagnement des étudiantes et étudiants.
Que reste-t-il de ces perspectives après le coup de frein budgétaire brutal et alors que le dialogue social annoncé ne se concrétise toujours pas ?
Le Sgen-CFDT a interrogé la ministre sur plusieurs enjeux prioritaires pour les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous représentons.
Comme lors des précédentes rencontres, nous avons fortement insisté sur le fait qu’il était indispensable de donner des perspectives aux agents dont les conditions de travail se dégradent du fait du déficit chronique d’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche depuis trop longtemps.
Retrouvez à ce sujet, le compte-rendu d’une audition parlementaire, la déclaration au CNESER du 12 septembre 2023, la déclaration au CSAMESR du 11 juillet 2023.
Le sens et les suites du discours de décembre du président de la République
Le Sgen-CFDT a rappelé ses interrogations et sa lecture critique du discours présidentiel (lire nos interventions en CNESER et CSAMESR).
En réponse, la ministre a dit la volonté du gouvernement d’avoir un ministère qui fait moins de micro management des universités, et plus de pilotage stratégique en évaluant a posteriori la mise en œuvre des politiques publiques.
Le gouvernement s’organise pour travailler sur le modèle économique des établissements d’enseignement supérieur dans le but de donner de la visibilité sur les financements à 5 ans. Un accompagnement par une mission IGESR et IGF est prévue. Un travail est aussi prévu sur le modèle économique des CROUS.
Lorsque nous avons dit à la ministre qu’il n’était pas entendable que cela se discute uniquement entre les ministères et en dehors de tout dialogue avec les représentants des personnels, la ministre a annoncé une prochaine réunion de lancement de ces sujets avec les syndicats et la structuration du dialogue social.
Concernant les organismes nationaux de recherche, leur nouveau rôle d’agence de programme ne concerne que la recherche dirigée, pour les autres dimensions de la recherche publique, rien ne change. Une lettre de mission interministérielle pour les agences de programme était en cours de préparation. La ministre a affirmé vouloir mettre davantage la communauté scientifique au cœur de la structuration de la recherche.
A l’issue de cet échange, pour le Sgen-CFDT, il reste encore beaucoup de question, aussi bien sur l’organisation de la recherche que sur l’acte II de l’autonomie des universités.
L’absence, pour le moment, de dialogue social et les coupes budgétaires ne sont pas un bon signal pour les personnels et pour le système d’enseignement supérieur et de recherche.
Pour le Sgen-CFDT, la politique de l’ESR ne peut se mettre en place sans les représentants des personnels et nous saisirons toutes les occasions pour porter nos propositions et revendications dans l’intérêt des agents. Nous demandons au ministère de structurer le dialogue social dans la durée sur tous ces enjeux majeurs pour les personnels pour le système public d’enseignement supérieur et de recherche.
Le temps de travail des BIATSS
Le Sgen-CFDT a exposé sa lecture critique du rapport et des préconisations de la Cour des comptes. Pour nous, l’organisation actuelle du temps de travail des BIATSS résulte d’un accord, il n’est pas question d’y toucher sans une nouvelle négociation, nous refuserons une dégradation des conditions de travail des personnels.
La ministre reconnaît par ailleurs que les agents BIATSS de l’ESR figurent parmi ceux qui ont le plus faible régime indemnitaire par rapport à d’autres ministères malgré les évolutions récentes.
La filière des bibliothèques
Le Sgen-CFDT a rappelé ses attentes et désormais son impatience pour les personnels de la filière des bibliothèques. Cela fait plusieurs années que le ministère promet des avancées indemnitaires, de carrière, la fusion des corps des conservateurs et un alignement vers le haut pour mettre un terme au décalage entre conservateurs des bibliothèques et conservateurs du patrimoine.
Une fois de plus, le ministère nous répond que c’est en cours, mais sans préciser d’échéance et les coupes budgétaires récentes nous font redouter un nouveau recul, au détriment des personnels.
La prolongation de l’accord RH dans l’ESR
Le Sgen-CFDT a renouvelé sa demande de prolonger l’accord RH en l’étendant clairement à tous les personnels de l’enseignement supérieur et la recherche. Pour nous, il faut poursuivre la revalorisation et avancer sur le chantier relatif aux ESAS.
La ministre rappelle que le président a parlé de revoyure, elle dit porter la perspective d’un élargissement du protocole RH, l’amélioration de l’attractivité, la poursuite du repyramidage.
Elle annonce la mensualisation et l’augmentation prochaine de la prime des ESAS avec la publication des textes résultants des discussions des dernières mois.
Elle annonce la poursuite de l’augmentation du nombre de promotion pour les ITRF, ainsi que des promotions supplémentaires pour les personnels des bibliothèques.
Que reste-t-il de ces perspectives après les coupes budgétaires ? Le risque est grand d’un renoncement aux mesures pour les personnels de l’enseignement supérieur et à la recherche ou leur étalement dans le temps. Là aussi, le Sgen-CFDT demande un dialogue social clair. Le gouvernement doit assumer ses décisions et donner des perspectives aux agents.
La formation initiale des enseignant.e.s
Le Sgen-CFDT a demandé le report de la mise en œuvre de toute réforme de la formation initiale des enseignantes et enseignants. Les arbitrages ayant été retardé, toute mise en œuvre dans le calendrier initialement prévu comporte deux risques majeurs :
- rater la réforme
- mettre en tension les personnels des INSPE et des universités.Le Sgen-CFDT a porté la même demande auprès de Nicole Belloubet, nouvelle ministre de l’Éducation nationale.
La réforme des bourses sur critères sociaux et l’accompagnement des étudiantes et étudiants
Le Sgen-CFDT avait salué la première étape de revalorisation et réforme des bourses sur critères sociaux, tout en soulignant ses attentes :
- prolonger la réforme et sécuriser une deuxième étape
- penser l’accompagnement global des étudiantes et étudiants et pour cela s’en donner les moyens en termes d’emplois.
Nous avons donc rappelé nos attentes, attentes que le dialogue social se structure sur la base du rapport de la mission de Jean-Michel Jolion et se concrétise.
Là aussi, à ce stade, rien n’avance.
Alors que sur de nombreux dossiers les arbitrages sont annoncés souvent, mais tardent à arriver, les annonces d’annulation de crédit sont de nature à semer l’inquiétude chez nos collègues. Leur situation continuera-t-elle à s’aggraver, par défaut de mesures prises ou parce que les mesures ne sont pas les bonnes ? Cela ne serait pas acceptable, et le Sgen-CFDT continuera de porter les revendications des agents de l’ESR auprès de la tutelle.