Les personnels d’encadrement ; une profession en perte de sens et malmenée qui interpelle la ministre

Lors d'une rencontre avec Nicole Belloubet, nous avons pu rappeler les valeurs des personnels de direction que nous représentons et partager l'inquiétude de la profession sur la fracture de ces dernières dans la mise en œuvre des réformes.

La délégation reçue le mardi 27 février dernier était composée de Sylvie Perron, secrétaire nationale en charge de dossiers de politiques éducatives et de politiques des personnels, Laurent Kaufmann, secrétaire fédéral en charge des personnels d’encadrement et Fatima Vincent-Falquet correspondante académique des personnels de direction.

Nous avons pu faire entendre nos points de vue à une ministre qui a semblé à l’écoute.

Revue de détails

Suite aux nombreux changements de ministres et de réformes ces dernières années, la profession éducative, notamment l’encadrement, est désemparée. Ce qui domine est la perte de sens suite à de multiples réformes qui s’empilent et la désagréable impression que l’expertise des personnels, au 1er rang desquels les personnels de direction, n’est pas suffisamment prise en compte.

Nous avons insisté sur la nécessité de décorréler le temps politique et le temps éducatif. L’institution souffre trop des effets d’annonce qui ne pas sont en lien avec les réalités du terrain. Il s’agit pour le Sgen-CFDT d’avoir le courage et la sagesse de s’inscrire dans un temps long pour relever les défis et rétablir la confiance perdue.

Évaluer pour quoi dire, pour quoi faire ?

S’il est nécessaire d’évaluer pour réajuster des pratiques ou des orientations, cela l’est plus encore avant une réforme : or, trop souvent, c’est dans la précipitation que tout cela se déroule et sans dialogue social abouti.
Nous avons questionné l’absence d’évaluation de réformes à peine mises en place et déjà recyclées, comme la nouvelle 6ème et la réforme de la voie professionnelle.

Nous demandons une évaluation  du  pacte et ses premiers effets sur le travail  et  nous voulons que les données soient partagées avec les cadres que nous sommes.

Les groupes de niveaux en collège

Le problème n’est pas technique, il est philosophique (au sens des valeurs) et politique.
Nous n’avons eu de cesse de le dire aux deux ministres précédents. Au-delà de l’incohérence pédagogique dénoncée par la recherche, assigner des élèves à des groupes de niveaux fixes est délétère pour des jeunes gens en construction ayant besoin de référence à une classe constituée de profils variés. C’est aussi une réforme rigide du point de vue de la conception. En effet, elle n’est accompagnée d’aucune proposition cohérente en matière de formation et d’accompagnement des équipes enseignantes et éducatives.

La parole du ministère a perdu en crédibilité au fur et à mesure d’annonces non suivies d’effets. On pense ici à la technologie, une discipline supprimée l’an dernier en 6ème et dont les moyens, d’après la DGESCO, devaient être redéployés sur le cycle 4. Ce qui ne sera pas le cas…

Nous demandons que les textes réglementaires permettent la souplesse et l’adaptation des établissements pour la mise en œuvre des groupes de besoin et que cela ne se fasse pas sur l’intégralité des heures de français et de mathématiques.

La réforme de la voie professionnelle et son pilotage

Le Sgen-CFDT demande un moratoire sur cette nouvelle réforme, dont la mise en œuvre reste floue et qui au 1ᵉʳ mars est au point mort. Nous avons exprimé notre inquiétude du non-renouvellement d’un ministère de plein exercice sur ce sujet.

Mme la Ministre nous assure que la réforme sera pilotée depuis la rue de Grenelle avec l’appui d’un haut commissaire à la voie professionnelle en cours de nomination.

Nous avons rappelé notre inquiétude sur la question de la carte des formations qui fait l’objet d’une refonte et dont les effets en termes d’affectation pour les élèves ou de gestion des ressources humaines pour les personnels doivent faire l’objet d’un dialogue social resserré et dans les meilleurs délais. Il y a d’abord un problème de méthodologie et de calendrier qui diverge selon les académies.

Le climat scolaire

Nous avons insisté sur ce que le Sgen-CFDT porte à ce sujet. Le discours du gouvernement sur la jeunesse ne parle, pour son épanouissement et son développement, que d’uniforme, de SNU et du respect de l’autorité des adultes. Cela nous questionne. Il manque une compréhension fine de ce que vit la jeunesse, notamment en tenant compte des données sociales ou de santé publique France.

Le Sgen-CFDT a rappelé son attachement à l’ordonnance de 1945 concernant la protection de l’enfance et notamment la priorité de la prévention sur la répression.

Donner la possibilité de faire des EPLE des espaces d’accueil des élèves et de leurs difficultés est une des priorités des personnels de direction du Sgen-CFDT au sein d’un projet éducatif de territoire. Pour cela, nous avons besoin d’équipes pluriprofessionnelles complètes et robustes (Psy-EN, AS, infirmier.es et Médecins scolaires).

Si nous sommes satisfaits que la question du harcèlement soit traitée, nous continuons de dénoncer un questionnaire harcèlement dont l’entrée est trop réductrice sur la question. Cette démarche laisse des personnels seuls et sans formation face à des situations complexes. Nous avons remis la focale sur des outils existants et pertinents comme l’enquête locale de climat scolaire qui permet d’obtenir une connaissance fine des réalités et du ressenti de l’ensemble des acteurs d’un EPLE.

Mais pour améliorer le climat scolaire, il faut travailler également sur l’inquiétude générée par l’institution. La question de l’évaluation de nos élèves doit être travaillée. Cela passe par l’analyse des besoins de formation des adultes. Ce sujet a été éludé par la priorité « médiatique » donnée au remplacement de courte durée, alors que les réformes ne pourront être effectives sans un accompagnement robuste. La méthode d’enseignement des mathématiques à Singapour est adossée à un volume de 100 heures de formation annuelle pour les enseignants. La France y est elle prête ?

Priorité doit être donnée à des programmes indispensables à l’élève citoyen en construction. Sur la question de l’éducation affective et sexuelle, nous avons alerté Mme la Ministre sur les attaques portées par les groupes de parents d’extrême droite. Elle partage notre inquiétude.

Le SNU et les stages de seconde en lycée

Trop peu de temps est consacré à ces sujets, qui sont pourtant devant nous et qui inquiètent la profession quant à leur faisabilité, en particulier des stages en 2de. Les bassins d’emploi et de formation ne sont pas partout en capacité d’accueillir un si grand volume de stagiaires. Du côté des directions d’établissement, le cahier des charges est trop imprécis et se pose surtout la responsabilité du suivi des élèves en entreprise.

La situation à Mayotte

Nous avons conclu notre audience sur la situation particulièrement inquiétante de Mayotte.

Mme la Ministre a bien conscience de toutes les difficultés évoquées et vient d’adresser un courrier à l’ensemble des personnels de Mayotte concernant des mesures de sécurisation des personnels et des élèves.