Des missions essentielles, une insuffisance d’image et des personnels désabusés en attente de considération.
Présentation
Un GRETA est un groupement d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui mutualisent leurs compétences et leurs moyens pour proposer des formations continues à destination des adultes.
Les GRETA font partie du ministère de l’Education nationale. La loi du 16 juillet 1971 sur l’organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente est à l’origine de leur création.
Depuis le Décret N°2019-317 du 12 avril 2019, ils ont également en charge l’apprentissage. Chaque GRETA est créé par une convention signée entre les établissements et le·la Recteur·trice.
Dans chaque académie, les GRETA s’appuient sur un GIP-FCIP (Groupement d’Intérêt Public pour la Formation Continue et l’Insertion Professionnelle) qui exerce de nombreuses fonctions-supports, comme la contribution à l’élaboration de contrats conclus entre le·la Recteur·trice et chaque GRETA puis l’accompagnement de leur mise en œuvre ; l’harmonisation des pratiques de gestion des ressources humaines et des fonctions de veille, animation et ingénierie de la formation.
Le GIP-FCIP joue un rôle de concertation entre les GRETA. Il est dirigé par un·e DAFPIC (Délégué·e Académique à la Formation Professionnelle et Continue) dont la mission première est de coordonner les activités du réseau des GRETA.
Missions
Elles se caractérisent par leur diversité et leur complexité ainsi que par leur forte évolution.
L’offre de formation des GRETA est très vaste. Elle va de prestations conçues sur mesure en fonction des besoins de chaque entreprise à des formations-catalogues pour préparer aux diplômes professionnels du CAP au BTS, aux concours d’entrée dans les différentes fonctions publiques, à la maîtrise de langues étrangères.
Outre ces missions, les GRETA sont chargés de réaliser des bilans de compétences, des bilans de carrière, d’aider à la reconversion professionnelle, d’accompagner les candidat·e·s à la validation des acquis, d’accompagner dans leurs démarches les demandeur·se·s d’emploi.
Les GRETA sont aussi acteurs sur la formation obligatoire dans le cadre des emplois d’avenir créés par la loi 2012-1189 du 26 octobre 2012 dont l’objectif est de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi.
Ces formations peuvent être proposées en alternance avec comme support le contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. Elles prennent en compte le positionnement, les compétences, et les disponibilités des stagiaires.
Ces différentes missions s’exercent dans un contexte juridique évolutif : rénovation du CPF (Compte Personnel de Formation) en date du 1er janvier 2019 qui est maintenant crédité en euros et non plus en heures, ce qui exacerbe la concurrence avec les organismes privés de formation ; démarches complexes et chronophages pour proposer labels et certifications-qualité comme Qualiopi et/ou Eduform ; mise en place de formations en ligne ; relations avec les branches professionnelles, la Région ou encore Pôle emploi, ce qui nécessite l’élaboration de nombreuses conventions et entraîne le transfert de nombreuses tâches aux GRETA ; sans parler de la mise en place d’un nouveau référentiel relatif aux fonctions de Conseiller·ère·s en Formation Professionnelle (CFP) mis en place par la DGESCO et dont la parution au Bulletin Officiel de l’Education Nationale se fait toujours attendre.
Difficultés et incohérences
Face à la complexité des tâches, aux exigences de qualité et à la pression de la concurrence, les personnels se plaignent de la dégradation de leurs conditions de travail. A l’occasion des heures d’informations syndicales animées par le Sgen-CFDT Paris, nous avons été stupéfié·e·s par le nombre de témoignages faisant état de souffrance au travail. Les personnels disent être de plus plus en soumis au diktat de la rentabilité et dénoncent des objectifs de plus en plus difficiles à atteindre (nombres de dossiers à gérer en hausse, démultiplication des logiciels internes et externes à maîtriser, explosion des mails à traiter).
A cela, s’ajoutent des difficultés grandissantes de remplacement et de recrutement avec de plus en plus de personnels en burn-out ou décidant de ne pas renouveler leur CDD ou de mettre fin à leurs postes gagés.
Le turn-over est important et les délais de recrutement s’allongent faute d’attractivité des postes qui demandent des compétences importantes pour des rémunérations en deçà de celles proposées par le secteur privé en Ile-de-France. Pour celles et ceux qui font face, il en résulte un nombre croissant d’heures supplémentaires non payées.
Beaucoup d’agents se plaignent aussi du manque de considération et de la pression exercée par les gouvernances qui, parfois, semblent plus soucieuses des chiffres d’affaires que du bien-être au travail. Certain·e·s évoquent un sentiment d’abandon, de découragement et de frustration. Soucieux de bien faire, les personnels regrettent de ne pas bénéficier de suffisamment de formations pour faire face aux nouvelles exigences de leurs métiers.
Ces ressentiments sont accentués par l’histoire récente. Avec la fermeture de deux GRETA parisiens, les employé·e·s restent inquiet·ète·s sur leur devenir. Rappelons que les agents se sont d’abord battus contre la fermeture du GRETA TPC (Tertiaire Paris Centre) puis contre celle du GRETA M2S (expert de la santé et du social) en 2020. C’est bien à de véritables plans sociaux auxquels il a fallu faire face, et même si les services de la DAFPIC ont fait tout leur possible pour trouver des solutions aux personnels qui perdaient leurs postes, nombreux·ses ont été licencié·e·s.
Ces drames illustrent malheureusement le grand paradoxe des GRETA : ce sont des organismes publics de formation soumis à la concurrence. Lorsque le contexte permet des bénéfices, les académies se réjouissent, mais lorsque l’équilibre financier n’est plus possible, l’institution de tutelle ne protège pas les personnels contractuels. Prenons le cas de la fermeture du GRETA M2S, les personnels avaient accepté de mettre en place des formations très utiles socialement mais moins rémunératrices et lorsque les finances sont passées dans le rouge, le ministère n’a pas pris ses responsabilités pour sauver les postes.
Un autre danger pour le devenir du réseau des GRETA réside dans l’organisation telle qu’entérinée par les décrets et aujourd’hui inadaptée aux enjeux de développement.
La direction des Greta est assurée par des proviseurs d’établissements adhérents au Greta dont la mission principale reste la direction de leurs EPLE. Cette organisation questionne les fonctions managériales et le pilotage de structures lesquelles, depuis les regroupements et les reprises d’activité, ne font que croitre. Comment gérer des équipes en GRETA de 50 personnes et plus et comment piloter une structure évoluant dans un contexte fortement concurrentiel sans formation adéquate et sans détachement ? La marge de manœuvre des directrices opérationnelles, très réduite ne permet pas de pallier les manques managériaux constatés sur le terrain.
Témoignages
Maria Greget, chargée des affaires juridiques et de recrutement au GRETA METEHOR Paris, agent contractuel catégorie A – CDI ; syndiquée et permanente au Sgen-CFDT Paris :
« Je suis arrivée au GRETA en 2002. Mon poste a évolué, passant de coordonnatrice administrative et assistante juridique, à chargée des affaires juridiques, suivi de formation, puis, en complément, responsable de recrutement de la filière bancaire à touristique aujourd’hui. J’ai aussi été déléguée du personnel pendant plus de 15 ans et aidé mes collègues du mieux que je pouvais, et j’en tire une certaine satisfaction même si j’ai eu des moments de découragement face à l’inertie de la direction.
Mon poste est très polyvalent et enrichissant. Il me permet de m’investir sur des missions différentes et ainsi apprendre à mettre en place de nouvelles procédures pour faciliter le suivi de mes actions. En 20 ans, le travail s’est complexifié et densifié. A l’époque, les missions et le poste étaient en adéquation avec la charge de travail. Aujourd’hui, la charge de travail est devenue exponentielle. Je suis restée seule à gérer la contractualisation de toutes nos formations en alternance, passant de 150 dossiers à plus de 250 contrats malgré des alertes répétées de saturation, (…), heureusement depuis 2020 j’ai un binôme sur quelques mois. Mais en 2021, à cause du départ d’une collègue dont le poste n’a pas été pourvu pendant un an, j’ai dû gérer en plus de mon plein temps, le suivi de coordination de 2 groupes contrainte par ma direction qui n’avait pas d’autres solutions.
J’ai passé une année difficile mais la mise en place du télétravail m’a aussi permis de gérer toute cette charge excessive. J’ai pu aussi bénéficier de l’entraide de 2 collègues sur la partie paie, ce qui a été un soulagement, c’est ça aussi le GRETA l’esprit de solidarité, de bienveillance, de bonne entente entre personnel.
Après 20 ans, je touche en traitement brut 2216,47 euros de salaire (hors SFT/IR/ primes), avec mon diplôme de Licence en droit et une évolution tous les 3 ans. L’obtention d’un master 1, m’aurait permis de gagner plus, mais je n’ai eu ni le temps ni les ressources financières d’entreprendre une reprise d’études. Je n’ai pas eu de titularisation suite à l’échec au concours, et maintenant de savoir que depuis un an, les agents titulaires ont pu obtenir des hausses de rémunération, je me sens désabusée, déconsidérée, par un système qui a oublié les contractuels, et une hiérarchie, qui demande toujours plus d’investissement sans contrepartie financière ni promotion ou changement d’échelon, ni d’évolution par la formation. (…) .
Nous sommes nombreux à réclamer non seulement une titularisation des agents contractuels CDI sans concours mais aussi une rémunération équivalente à nos collègues titulaires car à travail égal salaire égal, c’est une discrimination entre personnels mis en place par l’état qui abuse de la vulnérabilité des contractuels.
(…) Les GRETA tiennent grâce, en grande partie, au dévouement, à la loyauté de l’ensemble des personnels qui assurent leurs missions avec une conscience professionnelle sans faille, qui aiment leur métier, fier de leur engagement de service public. »
Alain Bernier, Conseiller en Formation Continue, adhérent au Sgen-CFDT Versailles et mandaté au CCRAFCA (Commission Consultative Régionale sur l’Apprentissage et la Formation Continue des Adultes) :
« La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les établissements publics locaux d’enseignement. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum. C’est dans le texte ! Nous faisons beaucoup plus en réalité ! »
Revendications du Sgen-CFDT Ile-de-France
Le Sgen-CFDT a depuis longtemps le souci d’œuvrer pour la reconnaissance salariale et l’amélioration des conditions de travail des personnels du GRETA. Nous nous battons pour que des personnels puissent rejoindre nos équipes syndicales sous la forme de décharges pour aller à la rencontre de leurs collègues et porter leurs paroles.
Depuis le début de l’année scolaire, nous avons ainsi animé plusieurs heures d’information syndicale dans les GRETA et au GIP-FCIP. Nous avons rencontré deux fois le nouveau DAFPIC de l’académie de Paris pour faire avancer nos revendications :
- Revaloriser les salaires de tou·te·s les contractuel·le·s administratif·ve·s pour lesquel·le·s les rémunérations décrochent par rapport aux titulaires qui ont obtenu l’an dernier une forte revalorisation de l’IFSE (l’Indemnité de Fonctions, de sujétions et d’expertises) dans le cadre du RIFSEEP (le Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des sujétions, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel) ;
- Augmenter les primes des CFC pour tenir compte de la complexification de leurs missions ;
- Rémunérer toutes les heures supplémentaires ;
- Nommer des tuteur·trice·s rémunéré·e·s et formé·e·s pour tou·te·s les nouveaux·nouvelles recruté·e·s ;
- Transmettre aux nouveaux·nouvelles recruté·e·s une fiche de poste et la grille d’évolution de salaire ;
- Instaurer un entretien annuel entre chaque agent et sa·son responsable RH et/ou hiérarchique pour faire un bilan, réévaluer ses missions et échanger sur ses perspectives de carrière ou ses besoins en formation ;
- Eviter de placer des agents seul·e·s sur des sites et en aucun cas des nouveaux·nouvelles recruté·e·s ;
- Continuer d’être associé·e·s aux côtés de la DRAFPIC et des DAFPIC des trois académies à l’élaboration d’une stratégie pour améliorer la visibilité des GRETA et permettre leur développement. Pour rappel, le Sgen-CFDT avait soutenu la mise en place des deux audits diligentés par la DRAFPIC.
Olivier Daniel, co-secrétaire général du Sgen-CFDT Paris et mandaté au CCRAFCA et au CACCCFC de l’académie de Paris.